Les explorations génovéfaines
Les chanoines de l’abbaye Sainte-Geneviève à Paris étudient le monde depuis leur bibliothèque et leur cabinet de curiosités comme Claude du Molinet, mais aussi en voyageant sur les mers, le regard tourné vers les astres, comme Alexandre-Guy Pingré.
Une abbaye de savants
Tête d’ordre de la congrégation de France, au cœur du Quartier Latin, l’abbaye Sainte-Geneviève entretient aux XVIIe et XVIIIe siècles une solide réputation savante. La richesse de l’abbaye permet que « quelques religieux soient déchargés d’une partie de leurs obligations régulières, afin de se consacrer plus résolument à des travaux intellectuels » (I. Brian). La volumineuse bibliothèque de l’abbaye est bien connue des milieux savants, comme en témoigne la correspondance des chanoines parisiens vers la France et l’Europe.
Claude du Molinet (1620-1687) et le cabinet de curiosités
Le chanoine génovéfain Claude du Molinet est bibliothécaire de l’abbaye Sainte-Geneviève de 1675 à 1687. Lors d’un voyage aux Pays-Bas en tant que commissaire de la congrégation, il décrit les villes traversées et leurs antiquités [lien vers Ms. 1797]. Explorateur plus statique, il crée un cabinet de curiosités venant compléter la bibliothèque. Collection de monnaies et médailles, d’antiquités (issues en partie du célèbre cabinet de Peiresc) et de curiosités naturelles, le cabinet comporte aussi plusieurs objets rapportés du monde entier par des missionnaires, et souvent liés à un aspect sacré de leur civilisation d’origine. Leur provenance est mal documentée, mais ils constituent l’essentiel du cabinet de curiosités actuel de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Au-delà de la curiosité suscitée par ces objets, le cabinet est un complément matériel aux collections de la bibliothèque, permettant aux chanoines et autres savants d’explorer le monde sans voyager.
Explorateur plus statique, il crée un cabinet de curiosités venant compléter la bibliothèque. Collection de monnaies et médailles, d’antiquités (issues en partie du célèbre cabinet de Peiresc) et de curiosités naturelles, le cabinet comporte aussi plusieurs objets rapportés du monde entier par des missionnaires, et souvent liés à un aspect sacré de leur civilisation d’origine. Leur provenance est mal documentée, mais ils constituent l’essentiel du cabinet de curiosités actuel de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Au-delà de la curiosité suscitée par ces objets, le cabinet est un complément matériel aux collections de la bibliothèque, permettant aux chanoines et autres savants d’explorer le monde sans voyager.
Alexandre-Guy Pingré (1711-1796) et le calcul des longitudes
Alexandre-Guy Pingré, chanoine bibliothécaire de l’abbaye Sainte-Geneviève, est aussi membre de l’Académie des sciences, mathématicien virtuose et l’un des plus importants astronomes français du XVIIIe siècle. Il participe à plusieurs voyages savants, notamment dans le cadre de ses travaux astronomiques.
Il embarque vers l’île Rodrigues sur le Comte d’Argenson en 1761 pour observer le passage de Vénus devant le soleil [lien vers Ms. 1804 quand il sera numérisé]. L’objectif de l’expédition, fruit d’une collaboration scientifique internationale inédite, peine à être atteint en raison des conditions météorologiques. Pingré profite néanmoins du voyage pour faire de nombreux calculs sur les longitudes.
[illustration “Plan du passage de Vénus sur le disque du Soleil le VI juin M.DCC.LXI”, EST 149 RES (F.39), pas encore numérisé]
Il participe ensuite à plusieurs voyages destinés à expérimenter des montres marines pour se repérer en mer, par comparaison avec la navigation astronomique.
En 1767, l’Académie des sciences propose un prix pour la fabrication de montres marines pour le calcul des longitudes, important enjeu géopolitique. Un de ses membres, François-César Le Tellier, marquis de Courtanvaux, propose de financer une expédition pour éprouver les instruments présentés à ce concours. Il fait construire L’Aurore, bateau spécialement conçu pour ces observations et pouvant loger des savants et leurs instruments.
L’Aurore prend la mer le 13 mai 1767 avec à son bord le marquis de Courtanvaux, l’horloger Le Roy, concepteur de la montre à expérimenter, et les astronomes Messier et Pingré. L’expédition a lieu de mai à août 1767, du Havre à Amsterdam.
Après ce voyage, Pingré participe à plusieurs autres expéditions scientifiques sur l’Isis et la Flore, toujours dans le but d’expérimenter des montres marines [lien vers Ms. 530].
Pour garder le souvenir du voyage de L’Aurore, Courtanvaux fait exécuter dès 1768 un modèle au 1/12e reproduisant fidèlement les décors de l’original, qu’il confie à l’abbaye Sainte-Geneviève. Cette maquette, toujours dans les collections de la bibliothèque, a connu une importante restauration en 2021. Elle est actuellement en dépôt au Musée national de la Marine où elle sera exposée à partir de 2023. [illustration de la maquette après restauration, photo à venir en janvier 2022]
Les explorateurs « génovéfains » après l’abbaye
Sur proposition de Pingré, la bibliothèque est nationalisée à la Révolution et survit à la disparition de l’abbaye. Au XIXe siècle, ce ne sont plus les chanoines mais certains bibliothécaires de Sainte-Geneviève qui continuent la tradition du voyage savant. Xavier Marmier (1808-1892) a participé aux Voyages de la commission scientifique du Nord (1838, 1839 et 1849). La bibliothèque conserve des notes et souvenirs de voyages de sa main [lien vers Ms. 3898 et 3899].
Ferdinand Denis (1798-1890), bibliothécaire puis administrateur de la bibliothèque, a laissé un fonds remarquable sur le Brésil, pays qu’il a visité en 1816-1819 et qui a marqué ses écrits et son abondante correspondance.
C’est grâce au don de son ami le diplomate Alexandre Dezos de la Roquette en 1868 que la bibliothèque Nordique, centralisant les collections consacrées aux pays scandinaves, sera créée en 1903, ouvrant des perspectives de voyages savants immobiles pour plusieurs générations de lecteurs.