À la recherche de l’Ultima Thule
Thule ou Thulé, l’île mythique au Nord ou à l’Ouest dans l’Antiquité gréco-romaine, se réfère probablement à l’Islande, ou aux presqu’îles scandinaves, et plus tard, parfois, au Groenland. Bien qu’explorées aujourd’hui, ces îles nordiques dans l’Atlantique continuent de fasciner.
Le Groenland, défi de la nature
Le Groenland, difficile d’accès par sa position et la mer glacée qui l’entoure une partie de l’année, a eu peu de contacts avec d'autres pays après la fin de l’ère viking et la disparition de la colonie viking installée au sud au Xe siècle. Hans Egede (1686-1758), prêtre dano-norvégien, obtient en 1721 l’accord du roi de Danemark et de Norvège pour installer une mission au Groenland. Egede joue un rôle important dans l’exploration et la colonisation du Groenland, mais il est aussi l’un des premiers à publier des ouvrages en groenlandais et à en écrire sur ce territoire, notamment Description et histoire naturelle de Groenland paru en 1741.
Au XIXe siècle, plusieurs expéditions, nordiques ou non, sont organisées. En 1883, Fridtjof Nansen (1861-1930), zoologue et explorateur norvégien, entend parler de l’expédition suédoise de Nordenskiöld au Groenland, où deux Sames membres de l’équipe parcourent en skiant une grande distance à l’intérieur du pays. Nansen décide de suivre leur exemple et de traverser le Groenland de la Côte Ouest à la Côte Est, avec une équipe de six personnes dont trois Sames norvégiens. Dans Paa ski over Grønland : en skildring af Den norske Grønlands-ekspedition 1888-89, il fait part de ses observations sur l’inlandsis, glacier recouvrant une grande partie de l’île, ainsi que de ses rencontres avec les Groenlandais.
Ayant grandi au Groenland, connaissant sa culture par sa grand-mère, Knud Rasmussen (1879-1933), explorateur et anthropologue dano-groenlandais, a plutôt une approche différente de celles d'autres chercheurs de l’époque. Il se considère et est considéré comme un étranger par les Groenlandais mais il connaît bien la langue, les codes et la pratique de traîneaux de chiens, ce qui l’aide beaucoup dans ses explorations. Il dédie sa vie à l’exploration du Groenland et crée la base de Thulé à Uummannaq au Groenland, à partir de laquelle il mène notamment les sept expéditions de Thule entre 1912 et 1933.
L’Islande et les Îles Féroé, terres volcaniques
L’Islande, sous l’autorité de la couronne danoise depuis l’union de Kalmar (1397-1523) jusqu’en 1943, attire des voyageurs en raison de ses terres volcaniques et de sa nature spectaculaire. Un des premiers à décrire l’île, ses mœurs, sa nature, ainsi que sa littérature est le théologien et archevêque suédois Uno von Troil (1746-1803). Il y passe l’été de 1777 avec Joseph Banks (1743-1820), naturaliste et botaniste anglais, et Daniel Solander (1733-1782), naturaliste, botaniste et explorateur suédois, l’un des principaux disciples de Carl von Linné. À la suite de ce voyage, Troil écrit Bref rörande en resa til Island 1777 (Lettres concernant un voyage en Islande en 1777). Ce texte sera rapidement traduit en anglais, en français et en allemand, et restera une référence pour les voyageurs en Islande au siècle suivant.
Les Nordiques ne sont pas les seuls à explorer ces îles. Paul Gaimard (1793-1858), médecin français, mène en 1835 et 1836 des expéditions en Islande avec la corvette La Recherche. Dans son rapport du voyage, Gaimard montre la diversité de ses recherches, en histoire naturelle, en météorologie, en histoire, mais aussi sur la langue et la littérature islandaises. Son expédition enrichit les musées et institutions français d'une grande quantité d’objets d’art et d’histoire naturelle ainsi que de livres.
Au XIXe siècle, les géologues se rendent en Islande afin d’explorer cette île se trouvant sur un rift, partie émergée de la dorsale médio-atlantique, à cheval sur deux plaques tectoniques, avec ses volcans actifs et geysers. Carl Wilhelm Paijkull, (1836-1869), géologue et chimiste suédois, y passe l’été de 1866 au cours duquel il écrit En sommar på Island : reseskildring (Un été en Islande : récit de voyage). Comme beaucoup de savants se rendant en Islande à son époque, il séjourne quelques mois à Copenhague en préparation de son voyage.
Le géologue français René Bréon se rend en Islande au cours de l’été 1880. Dans ses Notes pour servir à l'étude de la géologie de l'Islande et des Îles Foeroe, il parle des conditions de la recherche qui ont beaucoup évolué et des instruments les plus modernes qu’il utilise, tels que les microscopes polarisants. Lors de son voyage de retour, il s’arrête un mois aux Îles Féroé, qui n’ont pas de volcan actif mais montrent des analogies avec l’Islande et de ce fait l’intéressent.
Si les expéditions et la littérature à propos de l’Islande et du Groenland se multiplient, l’archipel des Îles Féroé reste plus confidentiel. Le premier récit qui dépeint ces îles et leurs habitants est écrit par Lucas Jacobsøn Debes (1623-1675), prêtre et topographe historien dano-féroïen. L’ouvrage Færoæ et Færoa Reserata. Det er Færøernis oc Færøeske Indbyggeris Beskrifvelse (Féroïens et Féroé révélés, description des îles Féroé et de leurs habitants) paraît en 1673 en danois et en 1676 en anglais.
Les expéditions se rendent souvent à la fois en Islande et aux Îles Féroé comme celle de Henry Labonne (1853-1944), médecin, naturaliste, explorateur et écrivain français. Il écrit L’Islande et l’archipel des Færœer à la suite de missions scientifiques confiées par le gouvernement français en 1886 et 1887.
La recherche continue dans ces régions aujourd’hui encore, notamment dans le cadre du changement climatique et de son impact sur la nature et sur les glaciers.